Accueil - L'historique de l'UPE
1. LE DEPART (1920 - 1939)
L’histoire de l’Université Populaire Européenne de Strasbourg débute en 1920, dans une Alsace tout juste redevenue française après près d’un demi-siècle sous administration allemande. Ce contexte historique confère dès ses origines un caractère unique à l’institution : il s’agissait alors de retrouver le lien avec la langue, la littérature et la culture françaises, mises à distance depuis 1870. Entre 1870 et 1918, le régime allemand avait profondément marqué la vie intellectuelle et éducative en Alsace, imposant ses propres références et modes de pensée. Pour réaffirmer la présence culturelle française, la France envoie à Strasbourg de grands universitaires et professeurs — parmi eux Marc Bloch, Louis Lavelle, Maurice Lange ou encore Henri Baulig — qui s’engagent dans une ambitieuse mission : faire rayonner la pensée et la culture françaises à la frontière de l’Est.
Dès 1920, l’Université de Strasbourg devient ainsi un véritable phare intellectuel. Mais rapidement, ces professeurs souhaitent aller au-delà du cadre académique et toucher un public plus large. Leur volonté : porter le savoir vers l’ensemble de la population alsacienne. C’est ainsi qu’est née l’Extension Universitaire, première appellation de ce qui deviendra plus tard l’Université Populaire d’Alsace. Très vite, le besoin se fait sentir d’élargir encore les horizons. L’objectif n’est plus seulement d’enseigner la langue et la civilisation françaises, mais aussi d’ouvrir l’accès à la culture dans toute sa diversité : histoire, droit, économie, médecine, philosophie… De cette dynamique est née une structure plus indépendante, ouverte à tous, et ancrée à Strasbourg : l’Université Populaire.
Jusqu’en 1939, l’institution connaît un essor remarquable et participe activement à la diffusion du savoir et de la culture en Alsace. Mais cette année-là, la guerre interrompt brutalement cette aventure : la rentrée de 1939 n’aura pas lieu, Strasbourg étant désertée.
2. LE SECOND DEPART (1944 - 1960)
Après la Seconde Guerre mondiale, l’Université Populaire de Strasbourg connaît un nouveau départ, cette fois sous l’impulsion du rectorat. À la Libération, c’est le recteur Prélot qui prend la responsabilité de relancer l’institution. Dès décembre 1944, alors que Strasbourg sort à peine de l’occupation, le lieutenant-colonel Simon, professeur à la faculté de médecine, organise des cours ouverts à tous. Le succès est immédiat : la population, avide de savoir et de repères culturels, répond massivement à l’appel. Cependant, les cours — centrés principalement sur la langue et la culture françaises — doivent être interrompus en raison du froid intense et de la reprise des bombardements. Strasbourg reste menacée, et l’Université Populaire suspend ses activités jusqu’au printemps.
La renaissance de l’enseignement populaire à Strasbourg
Les cours reprennent le 9 avril 1945. Le programme s’élargit alors à l’histoire de France, avec un objectif clair : offrir à la jeunesse restée en Alsace pendant l’occupation une véritable immersion dans la culture française. Le recteur ouvre lui-même la première session, décrivant ce moment comme un “bain de français”. Parallèlement, des cours d’humanités françaises sont proposés, mêlant conférences magistrales le matin et exercices pratiques l’après-midi. L’Université Populaire complète ce dispositif par des conférences publiques sur des thèmes variés, favorisant ainsi la diffusion du savoir et le dialogue intellectuel dans une région en pleine reconstruction.
La structuration de l’Université Populaire de Strasbourg
Jusqu’en 1946, ces activités dépendent directement du rectorat, qui gère aussi les inscriptions et les frais. Mais la nécessité d’une structure indépendante s’impose rapidement. Le recteur Teracher adresse alors à Félix Ponteil, responsable de l’Université Populaire, une demande de clarification du statut administratif de l’institution. Le 20 février 1947, l’Assemblée générale fondatrice approuve les nouveaux statuts : l’Université Populaire de Strasbourg devient officiellement une association de droit local, dotée d’un budget propre et éligible aux subventions publiques. Félix Ponteil en devient le premier président.
Une ouverture vers la culture et l’Europe
Sous la présidence de Félix Ponteil, puis à partir de 1959 sous celle du Docteur Bur, l’Université Populaire de Strasbourg s’affirme comme un acteur majeur de l’éducation populaire en Alsace. Le Dr Bur, alors président du Conseil général du Bas-Rhin, incarne une nouvelle orientation : il souhaite ancrer l’Université Populaire dans son territoire tout en l’ouvrant à l’Europe et aux échanges culturels. Cette évolution s’inscrit dans le contexte du décret du 6 janvier 1959 du ministère de l’Éducation nationale, qui redéfinit les missions de l’éducation culturelle : “accroître les connaissances générales acquises au cours de la scolarité obligatoire et ouvrir plus largement l’accès à toutes les sources de la culture et aux moyens de développement personnel.” Animé par cette philosophie, le Dr Bur élargit considérablement le champ d’action de l’Université Populaire. Celle-ci coopère avec l’Institut de musicologie, l’École des arts décoratifs et le Théâtre universitaire, offrant un éventail de savoirs toujours plus riche, transmis par des professionnels passionnés. L’Université Populaire de Strasbourg devient ainsi, au tournant des années 1960, un lieu d’échange, de culture et d’ouverture, fidèle à sa mission d’origine : rendre le savoir accessible à tous.
3. L’UNIVERSITE POPULAIRE DEVIENT EUROPEENNE (1960 - 1968)
Au début des années 1960, l’Université Populaire de Strasbourg entre dans une nouvelle phase de développement sous l’impulsion du Docteur Bur. Convaincu que la culture et le savoir doivent franchir les frontières, il oriente l’institution vers une ouverture européenne et internationale. Il tisse des liens étroits avec le Conseil de l’Europe et les consulats étrangers présents à Strasbourg, affirmant la vocation résolument européenne de la ville et de son université populaire. Dans le même temps, il encourage le développement des cours de langues européennes — anglais, allemand, italien, espagnol — afin de favoriser la compréhension interculturelle et de donner aux auditeurs les moyens de s’ouvrir sur le monde.
Une nouvelle identité : l’Université Populaire Européenne de Strasbourg
Cette dynamique d’échanges et d’ouverture conduit naturellement à une évolution majeure : le Dr Bur propose à l’Assemblée générale de modifier le nom de l’institution pour y inscrire cette dimension internationale. Ainsi, l’Université Populaire de Strasbourg devient officiellement l’Université Populaire Européenne. Ce changement d’intitulé reflète une vision ambitieuse et humaniste : celle d’une université populaire capable d’inspirer la création de structures similaires à travers la France et l’Europe. Le Dr Bur souhaite en faire un modèle d’éducation populaire favorisant la coopération entre les peuples, la diffusion du savoir et la promotion d’une culture commune européenne.
Strasbourg, carrefour international de l’éducation populaire
Cette ouverture s’inscrit dans un contexte de reconnaissance internationale grandissante. En septembre 1960, Strasbourg accueille la troisième Conférence internationale des Universités Populaires, rassemblant des représentants venus du monde entier. L’objectif de cette rencontre est clair : réfléchir collectivement à la mission des universités populaires, à leurs méthodes pédagogiques, à leurs modes de financement et à leur rôle social dans les sociétés modernes. À la suite de cette conférence, se tient à Strasbourg l’Assemblée générale constitutive de l’Association Internationale des Universités Populaires. Le secrétariat permanent de cette nouvelle organisation internationale est installé à Strasbourg, consacrant la ville comme centre européen de référence pour l’éducation populaire. Ces deux événements marquent une étape décisive : ils permettent un échange de points de vue et de pratiques entre les différentes institutions participantes, autour de thématiques essentielles telles que le niveau d’étude, les méthodes d’enseignement, le financement ou encore l’impact social de l’éducation pour tous.
Grâce à cette reconnaissance internationale, l’Université Populaire Européenne de Strasbourg s’impose comme une institution pionnière, à la fois ancrée dans son territoire et ouverte sur le monde — fidèle à sa mission première : rendre le savoir accessible à tous, dans un esprit d’ouverture et de fraternité européenne.
4. REDEFINIR UN CAP (1968 - )
Le tournant de Mai 1968
À la suite des mouvements de Mai 1968, l’Université Populaire Européenne de Strasbourg traverse une période de transition. L’institution, qui fut longtemps un foyer culturel ouvert et reconnu, connaît un certain repli. Les grandes conférences publiques s’espacent, et l’UPE recentre alors ses activités sur les cours de langues françaises et étrangères, répondant à une forte demande de la population. Malgré cette réorientation, l’Université Populaire conserve son prestige intellectuel et son ancrage dans le tissu culturel alsacien. Elle demeure un lieu de savoir et de transmission, fidèle à l’esprit d’ouverture qui l’anime depuis ses origines.
Années 1980 : repenser les missions de l’éducation populaire
Au début des années 1980, la croissance du nombre d’auditeurs amène une réflexion de fond : que transmettre, à qui, et comment ?
L’Université Populaire Européenne se distingue alors des autres institutions locales, notamment de la nouvelle Université du 3ᵉ Âge de Strasbourg, par son approche transversale et intergénérationnelle. Son offre de formation s’élargit considérablement : botanique, dessin, musique, histoire de l’art, théâtre, psychologie, sociologie... Un accent particulier est également mis sur l’apprentissage du français pour les étrangers, renforçant la mission d’inclusion linguistique et culturelle de l’UPE. Toutefois, l’institution reste fidèle à sa charte fondatrice : il ne s’agit pas de devenir un simple « supermarché de la formation », mais de promouvoir une éducation populaire porteuse de sens. L’UPE veut offrir à chacun la possibilité de réfléchir, d’apprendre et de trouver sa place dans une société en constante évolution.
De 2000 à 2020 : ancrage territorial et ouverture nationale
En 2019, l’Université Populaire Européenne rejoint l’Association des Universités Populaires de France (AUPF), marquant son intégration au réseau national et renforçant sa coopération avec d’autres structures d’éducation populaire. Présente à Strasbourg, Haguenau, Bischwiller et Wissembourg, l’UPE s’affirme comme un acteur clé de la formation pour adultes en Alsace. Ses antennes tissent des liens forts avec le territoire, en proposant des enseignements accessibles à tous, favorisant la culture, la citoyenneté et la formation tout au long de la vie.
La résilience pendant la pandémie (2020 - 2021)
La pandémie mondiale de COVID-19 représente un nouveau défi. En 2020, le confinement impose la fermeture des cours en présentiel, mais l’Université Populaire Européenne ne s’interrompt pas pour autant. Grâce à la mobilisation des enseignants et à la fidélité des auditeurs, l’UPE met en place un passage rapide vers l’enseignement à distance : plus de 80 % des cours sont maintenus en ligne. Cette adaptation confirme la résilience et la modernité de l’institution, qui poursuit sa mission même en période de crise.
En 2020, la Direction générale des finances publiques reconnaît officiellement le statut d’intérêt général de l’UPE, confirmant la gestion désintéressée de l’association et sa capacité à délivrer des reçus fiscaux.
En 2021, les trois antennes du nord de l’Alsace fusionnent pour former une entité unique, UPE Nord Alsace, placée sous la coordination de l’antenne strasbourgeoise — une étape importante vers une gouvernance unifiée et cohérente.
Engagements et renouveau (2023 - 2024)
En 2023, l’Université Populaire Européenne de Strasbourg signe le contrat d’engagement républicain des associations et fondations, réaffirmant son attachement profond aux valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité, respect de la dignité humaine et prévention de la violence.
L’année 2024 marque un nouveau chapitre dans son histoire : le siège social déménage du Palais Universitaire vers le 1 quai Koch, ancien site de l’École du Génie de l’Eau et de l’Environnement de Strasbourg (ENGEES). Ce lieu symbolique incarne le lien entre savoir, transmission et modernité.
Dans cette dynamique, l’Université Populaire Européenne de Strasbourg renforce également son ouverture à l’Europe grâce à la mise en place d’un programme ERASMUS avec plusieurs structures partenaires internationales. Cette ambition se traduit déjà par des coopérations concrètes, comme l’accueil d’un professeur de l’école de langues EOI Orihuela (Espagne), illustrant la volonté de développer des échanges culturels, linguistiques et pédagogiques au cœur de Strasbourg.
CONCLUSION : UNE INSTITUTION TOURNEE VERS L'AVENIR
À travers plus d’un siècle d’histoire, l’Université Populaire Européenne de Strasbourg a su évoluer, se réinventer et se redéfinir tout en restant fidèle à son idéal : rendre la culture et la connaissance accessibles à tous. Dans un monde où l’information circule partout, les membres de l’UPE continuent de rechercher ce que seule une université populaire peut offrir : un savoir partagé dans un cadre humain et vivant, fondé sur le dialogue, la curiosité et la rencontre.
C’est là que réside, encore aujourd’hui, la véritable force de l’Université Populaire Européenne.